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Le Lensois-Normand Tome 4
4 janvier 2015

Les Bollaert, père et fils

Edouard Bollaert

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     Edouard Jacques François Bollaert nait le 26 décembre 1813 à Bailleul, ses parents demeurent  au 44 de la rue de l’Hôpital Militaire à Lille. Il est le second d’une famille de cinq enfants de Aloyse Bollaert ‘propriétaire, rentier’ comme le stipule son acte d’état civil et de Marie Augustine Derycke. Edouard Bollaert fait ses études comme pensionnaire au Mont des Cats puis au lycée de Douai qui en fait un bachelier en 1832.

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   Il entre ensuite à l’Ecole Polytechnique d’où il sort dans les toutes premières places et termine sa formation à l’Ecole des Ponts et Chaussées. Quand il en sort en 1839, il est nommé ingénieur à Saint-Lô dans le département de la Manche avant de rejoindre Avesnes puis Lille.

   Là, il participe aux études du tracé des voies ferrées des Chemins de Fer du Nord. En 1849, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur à l’âge de 35 ans.

   Le 19 septembre 1850, il épouse Célina Tilloy, fille d’Amé Tilloy un riche industriel également co-fondateur de la société de recherches de Lens, entreprise chargée des sondages houillers. Le 13 août 1855, elle lui donne un enfant qu’ils prénomment Félix. C’est le second de la famille après Léon né en 1851 et avant Valentine et Elisabeth nées en 1858 et 1860.

   En 1853, Edouard Bollaert devient ingénieur en chef des ponts et chaussées pour le département du Nord.

   En 1856, quatre ans après la constitution de la Société des Mines de Lens, son oncle Jules Castelyn, président du Conseil d’Administration l’engage comme agent général, c'est-à-dire directeur de la société. La compagnie ne compte alors qu’une seule fosse en activité et à peine 300 ouvriers pour une production annuelle de 62 000 tonnes.

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   Edouard Bollaert s’installe alors à Lens. Près de la fosse 1 dite Sainte Elisabeth, il fait construire un grand immeuble qui accueille les bureaux centraux de la société près des quels la compagnie achète une maison pour y loger son agent général.

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   En 1860, Bollaert est élu conseiller municipal de Lens et le restera jusqu’à sa mort. Le maire est alors Guislain Decrombecque, le riche cultivateur du bourg.

   En 1866, Bollaert fait engager Elie Reumaux pour être son adjoint. Sous leur direction, la société des mines de Lens devient une ville dans la ville. Des corons sont construits en périphérie du bourg. On y voit apparaître des écoles, des centres de formation ménagers, des églises, des cercles d’activités, des terrains de sports. Tout est fait pour que le mineur et sa famille n’aient pas besoin de quitter le coron et soient totalement à la disposition de la compagnie. En 1877, la Société des Mines de Lens possède 1 085 maisons habitées et 257 en construction pour 5 100 personnes logées.

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   Très croyant, Edouard Bollaert associe l’église catholique à la vie dans les corons. Chacun d’entre eux est doté d’une église, les écoles privées dans les quelles doivent être obligatoirement scolarisés les enfants des mineurs sont dirigées par les prêtres. Les sœurs y enseignent ainsi que dans les centres ménagers, elles sont aussi présentes dans les dispensaires où elles assistent des médecins eux-mêmes salariés de la compagnie.

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    Le 1er juin 1889, le Président Sadi Carnot accompagné du ministre de l’industrie Yves Guyot sont en voyage à Lens. Ils se rendent à la fosse 5, modèle de modernisme et de production pour l’époque. Le Président est accueilli par Edouard Bollaert et Elie Reumaux. Dans son discours, il souligne ‘’la qualité de l’entreprise et la 'paternelle sollicitude' de ses dirigeants envers les mineurs’’ ainsi que  ‘'l'union et la concorde dans les corons’'.

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   Cette visite doit servir surtout à calmer la grogne sociale qui règne dans les compagnies minières. Peine perdue puisque le 10 octobre 1889, les mineurs de la société de Lens se mettent en grève, grève qui s’étale rapidement à l'ensemble du bassin.

   Car si Edouard Bollaert fait beaucoup pour la prospérité de la société minière, il est aussi celui qui réprime les grèves et punit les meneurs avec une grande sévérité. De 1860 à la fin de sa carrière, de nombreux mouvements sociaux ont lieu pour dénoncer les conditions inhumaines dans les quelles travaillent et vivent les mineurs et leurs familles. Pour leur répondre et bien que le droit de grève soit reconnu depuis 1864, les dirigeants n’hésitent pas à faire appel à la troupe, à licencier sur le champ les grévistes et à chasser leur famille de leur logement. Ainsi, après la grève de 1893, ce ne sont pas moins de 600 familles qui sont expulsées des corons.

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   Bollaert ne se fait pas que des amis. Les interventions de la troupe entraînent la démission du pourtant conservateur maire de Lens Auguste Frémicourt-Douchet en 1892. Ce dernier, vigoureusement opposé à l’utilisation des militaires contre les mineurs en grève avait répondu à un officier venu lui apporter un ordre de réquisition de logements pour ses soldats : ‘La ville n’a pas de locaux à vous donner. Allez demander à Monsieur Bollaert ‘. Mis en minorité au conseil municipal, il doit démissionner et est remplacé par Alfred Wagon, un ami de Bollaert et de la famille Decrombecque.

  Devant les énormes bénéfices réalisés par les actionnaires (le titre, émis à 1000 francs en 1852 en vaut 44 700 en mars 1875), les mineurs veulent une petite part du gâteau. Leur salaire horaire pour sept jours de travail par semaine qui était  de 3,55 francs en moyenne en 1852, n’est que de 5,70 francs en 1875 et les amendes, décidées par le chef-porion, sont importantes.

  En septembre 1882, à l’initiative d’Arthur Lamendin, mineur compagnie de Liévin, est créée la première chambre syndicale des mineurs à Lens et la loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, accorde aux syndicats un statut légal reconnu. Bollaert a maintenant des interlocuteurs avec lesquels il doit composer.

  Quelques rares avancées sociales ont vu le jour sous l’aire Edouard Bollaert. En 1860, la toute première caisse de secours est créée ; alimentée uniquement par des cotisations ouvrières (retenue de 3 % sur les salaires), elle vient en aide aux mineurs invalides blessés en service. Ce n’est que le 29 novembre 1891 qu’elle est en partie à la charge de la caisse patronale.

  Le 29 juin 1894 voit la naissance de la caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs de la société des mines de Lens.

  En 1896, alors qu’il est toujours en activité, le conseil d’administration de la société de mines de Lens donne le nom d’Edouard Bollaert à la fosse 12 et la paroisse du quartier est appelée Saint-Edouard.

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  Edouard Bollaert décède d’une congestion pulmonaire le 7 janvier 1898 à l’âge de 85 ans alors qu’il est toujours en activité. A cette date, la société regroupe plus de 10000 salariés et produit environ deux millions sept-cent mille tonne par an.

  Ses funérailles ont lieu le lundi suivant en l’église Saint Léger en présence de nombreuses personnalités et d’une foule importante composée surtout de mineurs en tenue. Après la cérémonie, un train spécial quitte la gare de Lens, emportant la dépouille d’Edouard Bollaert vers Lille où il sera inhumé.

  Après son décès, le maire de Lens qui est aussi son ami, Eugène Courtin, agent commercial de la compagnie de Liévin, propose au conseil municipal de renommer la rue où se trouvent les bureaux centraux des mines ‘rue Edouard Bollaert’.

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Félix Bollaert

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   Félix Flavien André Bollaert voit le jour le 13 août 1855 à Lille. Un an plus tard, ses parents rejoignent Lens où Félix passe son enfance. Après ses études qui le menèrent jusqu’au baccalauréat, il entre à l’école Polytechnique en 1876. C’est un étudiant moyen qui en sort deux ans plus tard, classé 119ème sur 258 élèves. Il rejoint alors l’école des Mines de Paris qui lui permet d’obtenir le 9 juin 1881 le titre d’ingénieur civil des mines.

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   Son père l’envoie se former aux métiers de la mine lors d’un stage de 5 ans en Belgique, à Mariemont et Bascoup dans le Hainaut. Le rapport qu’il en fait, diffusé dans ‘la Réforme Sociale’ en 1884, démontre que le développement des industries ne peut être effectif que si leurs dirigeants s’attachent à développer un bien-être social afin d'avoir de l'emprise et de l'autorité sur leurs ouvriers. Tout le long de sa carrière, il tentera d’appliquer ces méthodes.

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   A son retour en février 1886, il est nommé directeur du service commercial de la société des Mines de Lens.

  Le 3 mai 1887 à Lille, Félix Bollaert épouse Pauline Le Gavrian (qui se fait usuellement appeler par son troisième prénom Marthe), fille d’un député du Nord, riche industriel qui a fait fortune dans la construction de machines à vapeur. Le couple s’installe rue Carnot à Lens. Ils n’auront pas d’enfant. La famille de Marthe est si influente dans le nord de la France que Félix se fait souvent appelé ‘Bollaert-Le Gavrian’.

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   En 1902, après le décès de Léonard Danel, il rejoint le conseil d’administration mais reste attaché comme inspecteur à la société des mines de Lens dirigée par Elie Reumaux depuis la mort d'Edouard Bollaert. C’est à ce poste qu’il connait la grande grève de 1906 dans laquelle il reste pour le moins discret.

   Félix est chargé entre-autre de visiter les corons afin de s’assurer du bon entretien des maisons, de la propreté des rues et trottoirs, du soin apporté aux jardins. Il décide de l’attribution des récompenses aux meilleurs mais aussi des sanctions à d’autres.

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  Il fait aussi partie de bien d’autres conseils d’administration : la Compagnie des Chemins de Fer du Nord, celle des Forges et Aciéries du Nord et de l’Est, de compagnies minières en Belgique. Il sera aussi président de la Chambre de Commerce de Charleroi et membre de nombreuses associations.

  A Lens, le couple Bollaert-Le Gavrian fait dpnc preuve de paternalisme envers les ouvriers mineurs. Au tout début du 20ème siècle, la société des mines de Lens admet l’importance des œuvres sociales. Félix Bollaert, fort de son expérience belge, travaille à leurs réalisations.

  Lui et son épouse transforment peu à peu leur domicile en bureau de bienfaisance. Lorsqu’en 1902, le préfet du Pas de Calais dénonce la recrudescence de la mortalité infantile dans le bassin minier, ils créent le service de la "goutte de lait", afin de distribuer gratuitement soins et alimentation aux nourrissons aux familles. La première consultation de bébés à lieu dans la cité de la ‘fosse 3 de Lens’ à Liévin.

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  Le 24 janvier 1912, Félix Bollaert est fait chevalier de la Légion d’Honneur. Pendant la première guerre mondiale, il est mobilisé en tant que capitaine au premier régiment d'artillerie à pied  et rejoint le front de l’Artois mais, rapidement blessé, il, est appelé à Paris, au ministère de l’Armement avec le grade de Chef d’Escadron Territorial. Son épouse se consacre au secours des blessés sur le front et devient ambulancière. Elle reçoit en 1918 la médaille de la Reine Élisabeth.

  Félix Bollaert reçoit le grade d’officier de la Légion d’Honneur le  9 juillet 1919.

  Il n’a donc pas connu directement la destruction de la ville et des puits de mine de la compagnie.

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   Dès son retour dans un Lens en ruines, il fait élevé du côté de ce qu’il reste de la rue Diderot, un baraquement en bois qu’il offre aux catholiques afin d’en faire un lieu de culte pour la paroisse Saint-Léger.

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   Avec Ernest Cuvelette, le nouveau directeur de la compagnie minière lensoise, il participe à la reconstruction de la société minière. La priorité est donnée à la remise en route de l’exploitation par la réparation des puits de mine inondés par les allemands. Puis, en moins de quatre années, 12 000 logements entourés de jardins sont bâtis.

  L’idée de ‘la ville dans la ville’ est conservée : les cités de corons comprennent toutes des terrains de jeux, dispensaires, gouttes-de-lait, écoles élémentaires, ménagères et églises ou chapelles. Progressivement, une coopérative de consommation est mise en place, de même que des sociétés de musique ou des associations sportives. Le mineur habite au pied du terril, autour du puits de sa mine, se fait soigner au dispensaire de la mine, va à l'église de la mine, joue dans la fanfare de la mine, pendant que sa femme s'approvisionne à la coopérative de la mine et que son fils fait du sport dans le club de la mine, va au cathéchisme au cercle de la mine et étudie à l'école de la mine en espérant devenir... mineur!  C'est ce que l'on appelle le 'paternalisme catholique' car cette politique sociale voulue par la compagnie a aussi pour but de maintenir le mineur dans sa cité où il trouve tout ce qu’il lui faut pour travailler, vivre, se divertir et manger. Il est ainsi beaucoup moins astreint à fréquenter les estaminets où il risque d’entendre et de participer à des conversations revendicatives.

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  En 1922, après mort d’Elie Reumaux qui a cumulé pendant deux ans les fonctions de directeur et de président du conseil d’administration, Félix Bollaert prend cette dernière fonction. Il préside de nombreuses associations, encourage les fêtes, soutient les fondations d’aide aux anciens mineurs. Toujours accompagné de son épouse, il fait revivre les actions sociales et crée diverses fondations, un "prix de vertu sociale" ou encore un concours pour encourager le jardinage.

  Peu de grands mouvements sociaux ont lieu pendant la période où Félix Bollaert est le président du conseil d’administration des mines de Lens mais difficile de dire si la cause en est cette période de reconstruction ou l’attitude paternaliste de Bollaert envers les mineurs de la compagnie. Bollaert ne s'oppose pas aux syndicats. Il laisse cette tâche à Ernest Cuvelette et agit en marge des relations purement professionnelles, s'interresse plus à la vie dans les corons qu'à celle dans les fosses.

   Le couple Bollaert mène donc une vie caritative et mais aussi mondaine. Il possède un appartement à Paris, au n° 27 du quai d’Orsay, une grande demeure rue de l’Arcade à Chantilly, une autre Boulevard de la Liberté à Lille, le château de la Frégate à Cassel et une maison rue Decrombecque à Lens. Félix Bollaert est un grand et riche collectionneur. Il possède bon nombre d’objets et de meubles de l’époque napoléonienne. Cela attire les malfaiteurs comme en avril 1925 quand sa maison de Chantilly est cambriolée.

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   En 1928, Bollaert est président du comité pour la création de la statue en l’honneur du Maréchal Foch à Cassel qui est inauguré le 6 juillet par le président Poincaré.

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   En 1928 également commencent les travaux du symbole de la fin de la reconstruction des mines de Lens. Sur une butte du quartier Saint Laurent, près de la fosse 1 et de la gare Sainte Elisabeth sont édifiés les Grands Bureaux, le futur nouveau siège directorial et administratif de la compagnie.

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   En ce début des années trente, la compagnie ressent les effets de la crise de 1929  mais la Société des Mines de Lens reste une des plus riches entreprises de France. Bien que la vente du charbon se soit considérablement ralentie, la production continue mais ne sert qu’à constituer des stocks pour les jours meilleurs. Des grèves sont déclenchées pour protester contre la baisse des salaires. De nombreux mineurs sont mis au chômage.

   En 1929, Félix Bollaert décide de construire un lieu de sports et d’activités de plein air pour les familles des mineurs sur un terrain que la compagnie a acheté à l’ouest de la ville entre les fosses 1 et 9. Il fait venir pour cela les mineurs de la fosse 5 dont l’activité est totalement arrêtée. Ils sont ainsi cent quatre-vingt à rejoindre tous les jours le site de construction. Le stade des mines de Lens est inauguré en 1933. 

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  Les Grands Bureaux, le stade des mines : des chantiers qui veulent démontrer la puissance de la société minière face aux élus socialistes de la ville de Lens. Les maires de Lens Emile Basly puis Alfred Maës ont construit une belle mairie, un grand stade avenue Raoul Briquet ; un autre est projeté avenue de Liévin. Le syndicat des mineurs a fait reconstruire l'imposante maison syndicale rue Emile Zola. Bollaert contre-attaque avec les Grands Bureaux et le stade.

  Il ne s’arrête pas là. Il parvient à convaincre les dirigeants du plus grand club de football de la ville, le Racing Club Lensois, de céder la gestion du club à la compagnie. Alfred Maës qui en 1931 avait fêté les vingt-cinq ans du club en grandes pompes doit s’avouer vaincu, le RCL devient aussi le 10 mars 1934 l’un des symboles de la société des mines de Lens qui en fait aussitôt un club professionnel.

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  Marthe Bollaert-Le Gavrian décède le 10 juillet 1931. Bien que définitivement installé à Chantilly, son époux continue ses activités jusqu’à son propre décès, le 26 décembre 1936 à Paris à l'âge de 81 ans. Le couple est enterré au cimetière Bourillon de Chantilly.

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   Pour lui rendre hommage, la Société des Mines de Lens donne son nom à la fosse 13bis, un puits d'aérage construit en 1920 et situé à Bénifontaine. Le stade des mines deviendra mondialement connu sous le nom de Stade Félix Bollaert. La ville de Lens modifie le nom de la rue qui portait le nom de son père en ‘rue Bollaert’ afin s’associer les deux personnages.

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